On ne trouvait pas d’autres moyens de vous le dire. Désolé si ça paraît un peu abrupt. Donc, oui, on a mangé des couilles de taureau, l’une des spécialités du Colorado, un soir d’été dans un restaurant pas comme les autres à Denver. On vous raconte.
On appelle ça des « Rocky Mountain oysters« , soit des « huîtres des montagnes rocheuses« . On vous prévient, comme ça, au passage, si jamais vous prenez envie d’un bon plat d’huîtres dans un resto du Colorado. Méfiez-vous, car là, nous sommes bien loin de la mer.
Notées depuis longtemps sur notre liste de « morfalous aux USA », aux côtés du gator, de l’elk ou d’autres succulentes découvertes, les Rocky Mountain Oysters étaient un passage obligé de notre trip 2014. Ca tombe bien, on avait trouvé l’endroit idéal pour tester ce plat, le Buckhorn Exchange à Denver. Un resto hors du temps. Ou plutôt, un véritable voyage dans le temps.
On a beaucoup hésité à réserver, entre une visite du Denver zoo et un concert à Red Rocks. Et nous voilà embarqués sur Osage St., dans le quartier de Santa Fe, sous un ciel menaçant. Là, alors que les immeubles neufs semblent pousser à vitesse grand V, une petite construction en brique rouge résiste, comme perdue dans ce neighborhood. C’est déjà bondé. On tente bingo, on nous dégote une table!
Sur la porte, un vieux panneau en bois : « Welcome. This is the place. Cause there’s no place just like this place anywhere near this place » (Bienvenue. C’est l’endroit. Car il n’y a pas d’endroit comme cet endroit où que ce soit près de cet endroit »). Ce bâtiment, c’est le Buckhorn Exchange, le plus vieux restaurant de Denver, l’un des plus vieux des Etats-Unis, est. in 1893. Et on se rend vite compte que pas grand chose n’a bougé depuis cette époque. Même le garçon à l’accueil semble tout droit sorti d’un Sergio Leone.
L’intérieur ressemble à une cabane de chasse. Du bois sombre, et 500 animaux empaillés garnissent les murs. Désolé pour les végétariens mais il faudra passer son chemin. Mountain lion, elk, moose, mule deer, faucon, même un jackalope (créature imaginaire entre antilope et jackrabbit)… Il y en a de partout. On nous installe dans l’annexe (plus récente, snif), à l’étage. On commande deux bières locales, on nous donne les menus, qui ressemblent à de vieux journaux (« Osage gazette« ). On en apprend un peu plus sur le Buckhorn Exchange.
Buffalo Bill, Teddy Roosevelt et JFK
En novembre 1893, Henry H. « Shorty scout » Zietz a ouvert un saloon dans ce bâtiment qui avait été construit en 1886 par la Neef Brothers Brewing Company. Fréquenté par les ouvriers du chemin de fer, travaillant de l’autre côté de la rue, il a changé plusieurs fois de nom pour devenir le Buckhorn exchange. La légende voudrait que Zietz eût été à la fois un frontiersman, un porte-flingue de Buffalo Bill, un guide de chasse pour le président Theodore Roosevelt (un buffalo du Cap tiré par Teddy orne l’un des murs) et qu’il aurait travaillé dans les mines de Leadville, qui appartenaient au sénateur Horace W. Tabor.
Shorty s’est occupé du saloon jusqu’à sa mort en 1949, moment où son fils Henry Jr. (également avide chasseur de gros gibier) est devenu propriétaire. Pendant trois générations, la famille Zietz a collectionné des centaines de trophées de chasse, armes à feu d’époque, des artifacts indiens, des photos et plein d’objets western, qui sont aujourd’hui exposé dans le restaurant.
En 1978, ce dernier a été vendu à un groupe de Denverites mené par Roi Davis. Ils ont rénové avec précaution et restauré cette pièce importante de l’histoire du Colorado. L’intérieur original a été conservé, y compris le bar en chêne blanc , datant de 1857, qui venait de la taverne de la famille Zietz a Essen en Allemagne. La licence d’alcool numero 1 de l’état du Colorado trône derrière ce bar, qui est à l’étage. Au fil des années, le Buckhorn, réputé pour ses steaks et ses repas de chasse, a accueilli des gens célèbres (Bob Hope, Charlton Eston), des têtes couronnées, un épisode de « Man vs. Food », des présidents (Reagan, Carter, JFK, gros tippeur) et des morceaux de l’histoire US, tels Buffalo Bill ou Sitting Bull (qui a offert un aigle empaillé). Bref, ce n’est pas n’importe quel restaurant.
Paradis pour carnassiers
La carte envoie du lourd pour les carnivores. Queue d’alligator, saucisses de buffalo, ribs, boeuf, cerf, saumon, canard, yak, poule de cornouailles… Paradis pour carnassiers mais cauchemar pour portefeuilles. Comptez 56 dollars pour un T-bone… Pour arroser ça, vous pouvez choisir un Dom Perignon à 200 bucks la bouteille.
Mais reconcentrons nous sur notre objectif. Et on passe commande : Rocky Mountain Oysters en entrée, ribs et… oh… du rattlesnake (serpent à sonnette), histoire de faire le mélange le plus étrange qu’ait connu notre estomac.
Les « Oysters » sont à 8 dollars la demi-portion (la couille ?), 12,5 $ l’entière et sont servies avec des sauces cocktails et horseradish. Pour l’aspect, ça ne ressemble pas à une glinche. Les testicules de taureau sont découpées en lamelles puis frites. Du coup, avec cette manie de frire un peu tout ce qui passe, le goût n’est pas très prononcé (entre foie et veau). La texture, elle, oscille entre calamar et veau. Un petit air de cousin éloigné d’andouillette aussi. Au final, c’est plutôt bon. Mais ça reste sur l’estomac (peut-être parce qu’on n’est pas très fiers et qu’on a du mal à assumer).
Pour la suite, les ribs, on connaît. De l’autre côté de la table, il y a le serpent. Emietté sur un gratin ultra-creamy (citronné) et accompagné de nachos, on est très proche du poisson (et de l’alligator). La serveuse nous explique que c’est donc du rattlesnake d’élevage, qui vient d’Arizona.
Pour le prix, pour deux bières, les Oysters, deux plats, deux salades, on en a eu pour 90 dollars. Assez cher. Mais le cadre, nom de dieu…
Le verdict
4 morfalous pour l’expérience et surtout pour le décorum. Ce restaurant, véritable morceau d’histoire, est un must-see à Denver.
Le coin pratique
> L’adresse : The Buckhorn exchange, 1000 Osage street, Denver (Colorado). Réservation plus que conseillée.
> Le site : http://www.buckhorn.com/
Pour aller plus loin
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On se croirait dans un western sur vos photos, c’est magique 🙂
Merci cowboy!
ahah, bien joué 🙂
🙂
je me régale à vous lire ( parce que bon, je n’ai pas encore testé ces spécialités culinaires) ! Je pense que les 90 dollars valent le coup effectivement pour les plats atypiques et le cadre autour ^^
Et oui, manger des couilles, ça coûte un bras ! 🙂
cet endroit à l’air complètement improbable mais vraiment chouette 😀 Même si manger des couilles de taureau avec pleins de cerfs/élans etc. qui me fixent me feraient un drôle d’effet !
Il suffit de ne pas les regarder dans les yeux ^^
Il est clair que débité et frit de la sorte, ça perd beaucoup de son incongruité… Ca passerait même tout seul à mon avis si on est pas au courant avant de quoi il s’agit…
Clairement. Tu as tout à fait raison.