Quand on est en roadtrip aux Etats-Unis (ou ailleurs d’ailleurs), une chose toute simple au quotidien peut devenir une question cruciale : la lessive. Il y a plein de laveries dans les villes (mais leurs horaires ne conviennent pas toujours) et il y en a même dans certains motels. Mais comme souvent quand on a un besoin pressant de quelque chose, on n’en trouve pas.
C’est ce qui nous est arrivé lors de notre dernier voyage de trois mois dans l’ouest américain : plus de laveries dans les motels depuis deux semaines et chaque fois qu’on tombait sur une indépendante, elle venait de fermer. Ça commençait à sentir le roussi (entre autres) lorsque l’on est arrivés à San Francisco où l’on devait rester plusieurs jours (on commençait à penser, la mort dans l’âme, à l’ultime possibilité de retourner nos derniers slips).
Et puis on y a (re)pensé : la City by the Bay a une laverie pas comme les autre : le « Brainwash cafe-laundromat » (traduire par « lavage de cerveau »).
Laverie et stand-up
Un lieu unique qui fait laverie, café, bar, restau et mini-scène de spectacles. En gros pendant que sa lessive tourne, on va prendre une petite bière, grignoter un burger (un sandwich, un fish & chips ou un truc vegan) ou assister à un show d’impro, de stand-up ou de musique (voire les trois en même temps).
La seule lessive dont on se rappellera toute notre vie
C’est ce qu’on a fait (pas tout) en début de soirée. La meilleure lessive de notre vie (la plus festive et peut-être la seule dont on se rappellera en tout cas). On est arrivés, on s’est garés à deux pas, dans la rue, on a attrapé notre baluchon de linge sale et on s’est lancés.
Il y a des rangées de dizaines d’énormes lave-linge, high-tech, et les séchoirs au fond. Tous ont un petit nom (nous on a fait confiance à Jesus H. et Joe Goldman); on a acheté de la lessive au distributeur et lancé les deux machines (oui, il a bien fallu ça). Pas très gourmandes, elles ne nous ont pris que quelques quarters. A noter qu’il s’agit de machines de bonne qualité, qui ne tordent par le linge à l’inverse des machine à tambour vertical.
Pendant qu’elles tournaient, on est allés dans la pièce d’à côté chercher une petite bière (la carte n’est pas très chère, de 1 dollar le café à une dizaine pour les burgers). Là, un club d’impro faisait son show dans une ambiance sympa. Car une porte en verre sépare les deux « univers » (on se demandait aussi si notre lessive allait sentir le burger, mais non). On est revenus s’installer à une table près de notre lessive (histoire de garder un oeil dessus, ce qui est conseillé) et on a sorti l’ordinateur (le wifi est gratuit et excellent).
Bouquins, burgers et flipper
Les « voisins » eux lisaient un bouquin, mangeaient un burger (ils ont l’air bons) ou jouaient au flipper. On était encore assez nombreux à une heure de la fermeture. Des jeunes, des hommes seuls (ou avec leur chien), des mères de famille (avec des mètres-cubes de linge)…
Il faut savoir que San Francisco est une ville un peu particulière en la matière : tout le monde n’a pas une machine à laver chez soi. En raison de problèmes de tuyauterie dans les vieux immeubles, il n’est pas possible d’en brancher une. Ou alors elles sont collectives.
Tandis qu’un charmant employé s’affairait à retirer les « peluches » des sèche-linge (quasi de la taille de vraies peluches !), on a lancé le séchage. Et voilà. Pour une vingtaine de dollars (lessive et boissons comprises), on a joint l’utile à l’agréable.
Le BrainWash est « un accident »
Cette laverie-café hors du commun n’est pas nouvelle : elle a été ouverte en 1989 par Susan Schindler, à qui elle appartient toujours. Comme elle l’explique dans la partie « history » du site internet, ce commerce d’un nouveau genre est « un accident« .
Tout commence en 1987. Susan est à la recherche d’un local dans le quartier de South-of-Market (SoMa) pour y ouvrir une discothèque. Elle a rendez-vous avec un certain Don, qui tient alors le bar le « Lipps« . Il a un endroit à lui proposer. Mais dans la discussion, il lâche : « Quand je regarde ce mur, je ne peux pas m’empêcher d’y voir des rangées de lave-linge et de sèche-linge…« .
Dubitative, elle demande : « Mais euh…pourquoi ? ». « Parce qu’il n’y a aucune laverie à South Market ! Tous les jours des gens entrent dans mon bar pour demander où est-ce qu’il y a une laverie… On ne sait même pas où les envoyer! ».
Dans le cerveau de Susan, ça fait tilt. « Ca a été mon moment Ahaaaaa !!!! » se souvient-elle : elle va ouvrir cette laverie, mais ne dira pas pour autant adieu à son projet de bar de nuit. Elle va inventer ce double concept. Revoyant ses plans, elle finit par trouver le local de Folsom street.
« Et non, je n’avais pas bu »
Elle a l’intention d’appeler son bar-laverie le « Café Laundré » (pour le jeu de mot avec laundry, laverie). Mais un jour, alors qu’elle est à la recherche de coupons de réductions (un sport national aux States) dans le journal du dimanche, un coupon de lessive « Tide » se serait enroulé et elle aurait vu apparaître le mot « Brainwash ». « Et non, je n’avais pas bu et je n’étais pas défoncée ! » précise-t-elle. Elle appelle ses amis, qui sont unanimes : ce nom est bien meilleur que le premier.
Ce sera donc le « Brainwash » (« lavage de cerveau« ). Et cela n’a rien à voir avec celui qu’aurait subi Patty Hearst, la fille d’un magnat de la presse, séquestrée dans un immeuble de l’autre côté de la rue dans les années 1970 et qui avait fini par épouser la cause de ses ravisseurs (avant de devenir actrice), comme cela a souvent été dit.
Le succès du BrainWash, immédiat, ne s’est jamais démenti. On y va même sans sa lessive.