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L’élection américaine décryptée par Axelle, de « The American Ballot Box »

Article rédigé le 3 novembre 2016 , mis à jour le 11 novembre 2023

Le 8 novembre 2016, les Etats-Unis connaîtront l’identité de leur nouveau président. Au terme d’une campagne complètement folle, riche en rebondissements et en clashs, la démocrate Hillary Clinton ou le républicain Donald Trump succéderont à Barack Obama. Et on a prévu de suivre ce scrutin avec beaucoup d’attention car la politique US a toujours pris une part importante dans nos roadtrips : à Chicago, le berceau politique d’Obama, à Little Rock, où nous avons visité la bibliothèque présidentielle de Bill Clinton ou encore cette année dans le Sud, où les panneaux Trump « Make America Great Again » poussaient comme des champignons.

Pour bien prendre la mesure de l’évènement, pour en apprendre plus sur la politique américaine, nous voulions vraiment interviewer Axelle, qui est un peu notre Laurence Haïm à nous. Très présente sur Twitter, on a commencé à échanger il y a quelques mois avec cette Bruxelloise. Notre grand point commun : les Etats-Unis bien sûr.  Pendant les primaires et le reste de la campagne, on a surveillé avec attention ses gazouillis, car c’est une fine commentatrice de l’élection présidentielle. Elle le démontre sur Twitter mais aussi sur son blog, The American Ballot Box, consacré à la politique US. Alors, qui de mieux pour parler de Donald, d’Hillary, de Barack, de Bernie et des autres ?

 

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L’interview « élection américaine » avec Axelle, de « The American Ballot Box »

 

Peux-tu te présenter ?

« Salut les Roadies ! Je m’appelle Axelle, j’ai 28 ans et je vis à Bruxelles. Je suis diplômée en sciences politiques. Ma spécialité et ma passion, c’est la politique américaine. Mais je m’intéresse évidemment aussi à la politique française, européenne et internationale. Et ce n’est pas tout. En réalité, je m’intéresse à plein de choses. J’adore voyager et j’ai la chance d’avoir déjà pu me rendre dans pas mal de beaux endroits. En Europe mais aussi aux Etats-Unis, au Canada, au Maroc, et même au Kenya et en Tanzanie, où j’ai pu admirer les grands animaux africains à l’état sauvage. Une expérience inoubliable ! Dans un tout autre registre, j’aime aussi énormément le tennis et le foot, surtout italien.

 

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Tu as un blog sur la politique américaine ; d’où t’es venue cette passion ?

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J’ai toujours été fascinée par les Etats-Unis. Honnêtement, je ne sais même plus comment cela a démarré au juste. Ce pays a bien sûr des défauts mais j’aime sa jeunesse, son énergie, sa culture, sa diversité, ses parcs nationaux… Pour moi, les Etats-Unis incarnent mieux que quiconque la liberté, à laquelle j’accorde beaucoup d’importance. Au cours de mes études, je me suis tout naturellement intéressée à leur histoire et à leur système politique. J’ai rédigé mon mémoire de fin d’études sur « Le vote latino en faveur de George W. Bush lors de l’élection présidentielle de 2004 ». Tout un programme !

L’année dernière, alors que la campagne électorale pour la présidentielle débutait tout doucement, je me suis lancée dans l’écriture d’un blog que j’ai baptisé The American Ballot Box. Je traversais une période compliquée à l’époque et j’avais vraiment besoin de me lancer un nouveau défi pour oublier mes ennuis et me sentir mieux. J’ai rapidement consacré beaucoup plus de temps et d’énergie à ce blog que je ne l’avais imaginé. Mais je ne regrette rien. Cela m’a permis de suivre cette campagne électorale d’encore plus près que les précédentes. C’est un travail passionnant. Il manque seulement le salaire qui va avec 😀

 

 

 

Peux-tu réexpliquer aux Roadies comment marchent les élections américaines, le système des Grands Electeurs, etc., la différence Républicains/Démocrates… ?

Tout d’abord, il faut savoir que le système politique américain est dominé par deux grands partis : le Parti Démocrate et le Parti Républicain. On a parfois tendance à les comparer à la gauche et à la droite que l’on connaît chez nous, mais je déteste cette comparaison ! Essayez un peu d’aller expliquer aux Démocrates américains qu’ils sont socialistes. Je ne suis pas certaine qu’ils apprécieront… En fait, je pense qu’il ne faut tout simplement pas chercher à comparer. Il faut accepter l’idée que, même si nous avons beaucoup en commun, l’Amérique n’est pas l’Europe, surtout en ce qui concerne les partis politiques. La principale différence idéologique entre Républicains et Démocrates concerne le rôle de l’Etat.

Les Républicains sont partisans d’un rôle limité du gouvernement dans les affaires économiques et sociales. Ils ont aussi tendance à penser qu’il faut laisser le plus de compétences possibles aux différents états plutôt que de tout centraliser au niveau fédéral.

Les Démocrates sont quant à eux favorables à un plus grand rôle social de l’Etat. Plus d’interventions pour réguler l’économie, plus d’aides sociales, etc. Globalement, les Républicains sont aussi plus conservateurs que les Démocrates en ce qui concerne les questions de société comme l’avortement ou le mariage entre personnes de même sexe. Ça, ce sont les grandes lignes. Mais les deux partis sont assez diversifiés. On pourrait presque les comparer à de grandes coalitions regroupant des sensibilités politiques différentes, allant de la plus modérée/centriste à la plus extrême.

 

(Photos: Courtesy GOP.org, Democrats.org)

 

Venons-en maintenant à l’élection présidentielle. Son fonctionnement est relativement complexe. Plusieurs choses à savoir pour bien comprendre:

  • 1. Il y a en quelque sorte cinquante élections présidentielles différentes, puisque tout se joue au niveau des états. Certaines règles varient d’ailleurs d’un état à l’autre. Par exemple, la date limite d’inscription sur les listes électorales n’est pas la même dans tous les états. Certains états utilisent le vote papier, d’autres le vote électronique. Certains états interdisent de se prendre en photo avec son bulletin de vote dans l’isoloir, d’autres pas. Etc.
  • 2. Les Américains ne votent pas pour un seul candidat mais pour un ticket, composé du nom du candidat à la présidence et du nom du candidat à la vice-présidence. Cette année, le ticket démocrate est composé d’Hillary Clinton et de Tim Kaine. Le ticket républicain de Donald Trump et de Mike Pence.
  • 3. C’est là que cela se complique. L’élection présidentielle est en réalité une élection indirecte. Bien que ce soit les noms des candidats à la présidence et à la vice-présidence qui figurent sur les bulletins de vote, les Américains élisent en réalité un Collège Electoral, qui élit ensuite à son tour le président. Comment ça marche? Le Collège Electoral est composé de 538 Grands Electeurs provenant des différents états. Ces Grands Electeurs sont le plus souvent des élus locaux désignés par les partis. Chaque état a droit à un nombre de Grands Electeurs correspondant à son nombre de députés au Congrès, qui varie en fonction de sa population. Autrement dit, plus un état est peuplé, plus il compte de représentants au Congrès et de Grands Electeurs au Collège Electoral.Les états les moins peuplés, comme le Wyoming, n’ont que trois Grands Electeurs, alors que la Californie, l’état le plus peuplé du pays, en a cinquante-cinq. Certains états sont donc plus importants que d’autres pour les candidats puisqu’ils permettent de remporter un plus grand nombre de Grands Electeurs. D’autre part, certains états sont considérés comme des red states, c’est-à-dire des états acquis à la cause du Parti Républicain, et d’autres comme des blue states, acquis à la cause du Parti Démocrate. Par exemple, le Texas est un red state. La dernière victoire d’un candidat démocrate y remonte à 1976. À l’inverse, la Californie est un blue state. La dernière victoire républicaine y remonte à 1988.Généralement, le candidat démocrate ne passe pas beaucoup de temps à faire campagne dans les red states et vice-versa. D’où l’importance des swing states ou battleground states, ces états qui sont susceptibles de basculer dans le camp démocrate ou dans le camp républicain à chaque élection. Il s’agit, entre autres, de la Floride, de l’Ohio, de la Virginie, de la Pennsylvanie, du Wisconsin, du Michigan ou de l’Iowa. Le jour de l’élection, il faut analyser les résultats état par état.Hormis dans le Nebraska et dans le Maine, qui ont introduit une dose de proportionnelle, c’est la règle du winner takes all qui s’applique. Cela signifie que le candidat qui arrive en tête des votes (même s’il n’atteint pas 50% des voix) remporte TOUS les Grands Electeurs de l’état. Exemple : Si le candidat démocrate obtient 48% des voix en Californie et son adversaire républicain 47%, c’est le candidat démocrate qui remporte les 55 Grands Electeurs californiens. Pour remporter l’élection, un candidat doit obtenir un minimum de 270 voix sur 538 au Collège Electoral. Le soir de l’élection, en calculant le nombre de Grands Electeurs remportés par chaque candidat, on peut donc déjà savoir qui a remporté l’élection. Néanmoins, le président n’est formellement élu qu’en décembre par le Collège Electoral et ne prend ses fonctions qu’au mois de janvier.

 

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La carte de 2012 

 

 

 

Cette année, l’élection fait énormément parler avec Donald Trump ; comment analyses-tu sa stratégie du buzz ?

Le phénomène Trump est assez incroyable. Si l’on veut parler de sa stratégie du buzz, il faut évidemment se pencher sur son usage des réseaux sociaux, en particulier Twitter. Les politiciens américains utilisent davantage Twitter que les européens, y compris pour partager des messages humoristiques ou des anecdotes liées à leur vie privée. Mais Donald Trump est le premier candidat à l’utiliser pour insulter directement ses adversaires ou des journalistes ! Il partage aussi les messages de soutien élogieux qu’il reçoit de ses supporters. Bref, il agit un peu comme ces internautes anonymes qui se servent de Twitter comme d’un exutoire. Sauf que lui n’est pas anonyme. C’est une véritable star (rappelez-vous qu’il s’est fait connaître du grand public grâce à une émission de téléréalité) et il a des millions de followers. Sur Twitter et lors de ses meetings, il véhicule l’image d’un homme qui dit ce qu’il pense et qui refuse le politiquement correct. Ce qui le rend aux yeux de certains bien plus sincère que les politiciens traditionnels. Le fait qu’il insulte ouvertement et/ou se moque d’autres personnes est presque secondaire. Les gens sont de plus en plus habitués à voir des insultes circuler sur les réseaux sociaux et à la télévision. Le « clash » n’est-il pas devenu l’une des grandes passions des internautes et des téléspectateurs, qui veulent avant tout assister à un spectacle ?

 

 

 

 

En réalité, Donald Trump connaît très bien le fonctionnement des médias et sa stratégie est plutôt intelligente. Il a compris qu’à chaque fois qu’il créait le buzz grâce à une provocation, les médias en parlaient non-stop pendant 2-3 jours. Dès que la polémique retombe un peu, il déclenche une nouvelle controverse et ainsi de suite. Son objectif ? Que l’on parle de lui partout et tout le temps, peu importe que cela soit en bien ou en mal. Et cela a très bien fonctionné pendant les primaires. Il était omniprésent sur les écrans de télévision et les journalistes ont passé plus de temps à lui demander de justifier tel ou tel propos provocateur qu’à lui demander de détailler son programme politique, qui n’est en réalité pas très étoffé.

 

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Une stratégie qui n’est pas nouvelle 

Pendant ce temps-là, on ne parlait que peu de ses adversaires et de leurs propositions politiques. Jeb Bush s’est d’ailleurs plaint du manque de couverture médiatique dont était victime sa campagne électorale plus sérieuse. Attention, je ne pense évidemment pas qu’il faille entièrement imputer la réussite de Trump aux médias. Il y a bien d’autres facteurs d’explication qui entrent en ligne de compte. Mais les médias sont tombés dans le piège que leur tendait Trump. Pour une bonne et simple raison: il faisait grimper l’audimat.

 

 

Du coup, les médias français se concentrent uniquement là-dessus ; mais qu’est-ce qu’il y a d’autre derrière Trump ?

Je pense que Donald Trump est avant tout le symptôme d’un dégoût de plus en plus profond des citoyens pour la classe politique. Aux Etats-Unis, la classe moyenne est de plus en plus inquiète pour son avenir et celui de ses enfants. La sécurité de l’emploi n’est plus assurée, les salaires stagnent et les attentats terroristes se multiplient. Les gens veulent que les choses changent. Ils sont déçus par les politiciens car ils estiment que ceux-ci s’intéressent davantage à leur réélection qu’à solutionner les vrais problèmes. Finalement, la vague qui porte Donald Trump n’est pas très différente de celle qui porte de plus en plus de mouvements d’extrême droite (et parfois d’extrême gauche) en Europe. Ce n’est pas un hasard si Marine Le Pen chante ses louanges ou si Nigel Farage assiste à certains de ses meetings.

 

 

Quels sont pour toi les états-clés et communautés-clés de cette élection ?

Bonne question. Il faudra évidemment surveiller les swing states habituels. Les plus indécis semblent pour l’instant être la Floride, l’Ohio, la Caroline du Nord et le Nevada. Si l’on en croit les sondages, Hillary Clinton est presque assurée de remporter la Virginie, le Colorado et la Pennsylvanie. Il faudra aussi surveiller attentivement l’Arizona, la Géorgie, l’Utah et le Nouveau Mexique. L’Arizona et la Géorgie sont traditionnellement des red states mais ils pourraient basculer dans le camp d’Hillary Clinton, ce qui serait tout de même un gros événement. L’Utah est également un red state mais Donald Trump est très impopulaire auprès des mormons, qui y constituent la majorité de la population. L’Utah pourrait donc soit basculer dans le camp démocrate, soit être le théâtre d’un scénario encore plus improbable. De récents sondages indiquent en effet qu’une victoire du candidat indépendant Evan McMullin (conservateur et lui-même mormon) est envisageable. Personnellement, je crois fortement à ce scénario. Si j’aimais parier, c’est là-dessus que je parierais 😉 Au Nouveau Mexique, c’est le libertarien Gary Johnson qui pourrait créer la surprise.

 

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En ce qui concerne les communautés, je pense qu’il faudra surtout surveiller le vote des femmes cette année. Elles sont majoritaires aux Etats-Unis et si elles décident de rejeter massivement Donald Trump en raison des accusations d’agressions sexuelles dont il fait l’objet, il n’aura quasiment aucune chance de l’emporter. Il sera aussi intéressant d’observer le résultat du vote latino. Les Républicains parviennent généralement à obtenir entre 25% et 30% des voix latinos (en 2012, 27% pour Mitt Romney contre 70% pour Barack Obama). Le Parti Républicain s’était juré de progresser auprès de cet électorat qui a de plus en plus de poids dans la société américaine mais cela risque d’être très compliqué avec un candidat comme Donald Trump, qui diabolise les immigrants mexicains.

 

 

Quand on est allés dans le Sud, on a vu beaucoup de supporters de Trump… Est-ce qu’ils se cachent seulement là-bas ?

Non, je ne pense pas. Le Sud est traditionnellement très républicain et il est donc possible qu’ils y soient un peu plus nombreux qu’ailleurs. Cependant, Trump a montré lors des primaires qu’il avait des supporters un peu partout dans le pays. Il a réalisé ses meilleurs scores électoraux dans des états de la côte Est !

 

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Est-ce que le Parti Républicain pourra se remettre de cette élection ? Y a-t-il des successeurs crédibles pour l’avenir ?

Question difficile. Je pense qu’il sera passionnant de suivre ce qu’il va se passer au sein du Parti Républicain après l’élection. C’est un parti plus divisé que jamais. D’après les calculs de USA Today, un quart des élus républicains (membres du Congrès et gouverneurs) refusent de soutenir Trump ! De très nombreux anciens élus ont aussi pris position contre lui. Parmi les ex-candidats républicains à la présidence encore en vie (George Bush, Bob Dole, George W. Bush, John McCain et Mitt Romney), seul Bob Dole le soutient encore. D’autres élus républicains ne le soutiennent qu’à moitié, affirmant qu’ils voteront en sa faveur (parce qu’ils ne veulent pas voir Clinton accéder à la présidence) mais n’hésitant pas à le critiquer lorsqu’il va trop loin. Et puis, certains le soutiennent réellement. Il est évidemment très difficile de prédire l’avenir, surtout en politique où les choses peuvent changer très vite. Je pense néanmoins que deux scénarios sont envisageables.

  • Scénario n°1 : Après l’élection, le Parti Républicain écarte Donald Trump qui ne représente pas ses valeurs et sauve sa peau en revenant aux fondamentaux.
  • Scénario n°2 : Le Parti Républicain ne se remet pas de l’élection. Il reste divisé et ceux qui n’acceptent pas l’évolution imposée par Trump et ses acolytes claquent la porte. Ils pourraient même créer un nouveau parti politique de centre-droit. Le candidat indépendant à la présidence Evan McMullin, qui est en réalité un Républicain anti-Trump ayant fait défection, y songerait déjà.

Quant aux successeurs potentiels, ils ne manquent pas. Si le parti survit et parvient à retrouver sa ligne politique traditionnelle, alors je pense qu’il n’a pas trop de souci à se faire. Une nouvelle génération d’élus républicains talentueuse est prête à prendre la relève. Certains membres de cette nouvelle génération étaient d’ailleurs déjà candidats à la présidence cette année. Je pense notamment à Marco Rubio et à Ted Cruz. Paul Ryan a également du talent, tout comme la gouverneure de Caroline du Sud, Nikki Haley. Et je pourrais en citer d’autres encore. La force de cette génération est aussi qu’elle incarne la diversité, alors que le Parti Républicain était jusqu’ici incarné presque exclusivement par des hommes blancs.

 

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Donc, oui, le parti a des ressources. Le seul bémol est que ces jeunes talents ont apporté leur soutien, bien que timide, à Donald Trump. Sans doute parce qu’ils ont justement eu peur de compromettre leur avenir politique s’ils ne le faisaient pas. Rejeter totalement Trump après qu’il ait gagné les primaires aurait pu les couper d’une partie de leur base électorale. Mais pourront-ils faire oublier le soutien qu’ils ont apporté à Trump au reste de l’électorat américain, notamment aux électeurs indépendants, auprès desquels Trump est très impopulaire ? Ce sera peut-être difficile mais cela ne me semble pas totalement impossible. Quatre ans jusqu’à la prochaine élection présidentielle, c’est long. Et les gens oublient vite. Si je devais faire un petit pronostic, je donnerais des chances à Marco Rubio de devenir un jour président.

 

 

 

Lors des primaires, il y a eu un petit phénomène avec Bernie Sanders… Etait-ce un feu de paille ou l’Amérique est-elle prête à avoir un candidat plus marqué à gauche ?

FEELTHEBERN.svgCe n’était pas un si petit phénomène que cela. Bernie Sanders a véritablement déchaîné les foules et sa réussite était tout aussi inattendue que celle de Donald Trump. La seule différence est que, contrairement à Trump, il n’est pas parvenu à remporter les primaires démocrates face à Hillary Clinton. Mais il lui a tout de même rendu la tâche très difficile, ce que personne n’aurait cru possible lorsqu’il a entamé sa campagne. Ce qui est le plus frappant dans le phénomène Sanders est que ses supporters les plus fervents étaient des jeunes âgés de moins de trente ans, qu’Hillary Clinton a par ailleurs beaucoup de mal à séduire. Cela peut laisser penser qu’une partie de la jeunesse américaine est prête à basculer plus à gauche. J’ai d’ailleurs parlé très récemment sur mon blog d’un sondage surprenant réalisé par la Fondation pour les Victimes du Communisme, basée à Washington. D’après ce sondage, 45% des américains âgés de 16 à 20 ans se disent prêts à soutenir un candidat socialiste et 21% se disent même prêts à soutenir un candidat communiste !

Bien sûr, il faudrait déjà qu’un tel candidat se présente. Et de là à ce qu’un tel candidat, même soutenu par une partie de la jeunesse, puisse remporter l’élection et accéder à la présidence, il y a encore un grand pas à franchir. Bref, qu’à l’avenir des candidats marqués plus à gauche fassent de meilleurs scores qu’auparavant, c’est possible. Voir un socialiste à la Maison Blanche, je pense en revanche que ce n’est pas encore pour demain.

 

 

 

Comment juges-tu le bilan d’Obama, qui jouit d’une cote de popularité sans faille vu d’ici ?

Tout d’abord, je pense qu’il est difficile de dresser le bilan d’une présidence sans avoir un peu de recul. Mais je vais tout de même vous donner mon avis, que tout le monde ne partagera pas forcément. Barack Obama a beaucoup de charisme. C’est un formidable orateur et il a prononcé des discours marquants qui resteront dans les mémoires. Mais il n’a pas tenu toutes ses promesses. À commencer par celle de fermer le camp de Guantanamo. Globalement, je pense que son bilan est assez mitigé.

L’un des points que je juge très positif, c’est son action en matière de protection de l’environnement. Je pense que c’est un sujet qui lui tient sincèrement à cœur et qu’il a voulu sensibiliser ses concitoyens à cette thématique. Il y est en partie parvenu puisque 64% des américains se déclarent aujourd’hui inquiets face au réchauffement climatique, le plus haut pourcentage depuis 2008. Barack Obama a aussi agi plus concrètement. Il a notamment créé de nouvelles réserves naturelles et il a contribué au succès de l’accord international obtenu lors de la COP21.

Au niveau économique, je pense que son bilan est plutôt bon. Il est arrivé à la présidence juste après la grave crise de 2008 et a donc hérité d’une situation très difficile. Aujourd’hui, les Etats-Unis ne sont plus en récession et le taux de chômage a baissé. On peut toutefois nuancer en disant que les inégalités sociales sont toujours aussi fortes. Ensuite, il y a l’Obamacare, cette loi de réforme du système de santé. C’est l’une des lois marquantes de la présidence Obama. Elle a permis à des millions d’américains supplémentaires de disposer d’une assurance maladie. Cela me semble plutôt positif. Néanmoins, cette loi complexe n’est pas parfaite. Elle a eu pour effet l’augmentation importante des coûts des soins de santé et des médicaments pour la classe moyenne. Beaucoup d’américains ne sont donc pas satisfaits de cette réforme. Si elle reste en place (Donald Trump menace d’abroger la loi s’il est élu), je pense qu’il faudra attendre encore quelques années pour pouvoir véritablement juger de son succès.

 

 

 

 

Enfin, pour moi, le point noir de la présidence Obama est son bilan en matière de politique étrangère. Le meilleur exemple, c’est le conflit syrien. Tout a commencé lorsque Bachar el-Assad s’est mis à réprouver très durement les manifestations des syriens qui réclamaient plus de démocratie. Barack Obama avait promis d’intervenir si le président syrien franchissait la ligne rouge, c’est-à-dire l’utilisation d’armes chimiques contre son propre peuple. El-Assad s’est exécuté et Obama n’a pas bougé. Les Etats-Unis n’ont pas suffisamment soutenu l’opposition syrienne modérée à ce moment-là et le conflit a ensuite dégénéré. Cela a permis à l’Etat Islamique d’étendre son influence et de prendre le contrôle d’une partie du territoire syrien. Aujourd’hui, la situation semble devenue inextricable. L’Etat Islamique a perpétré des attentats sanglants dans de nombreux pays. Et le régime de Bachar el-Assad, aidé par la Russie, continue de massacrer le peuple syrien, en bombardant même des écoles et des hôpitaux. Et que font les Etats-Unis? Pas grand-chose. On pourrait aussi discuter des initiatives diplomatiques d’Obama, comme le rapprochement avec Cuba. Symboliquement, c’est un geste fort et historique. Mais je suis personnellement plutôt réservée quant à son bien-fondé.

 

 

Quels seront les grands défis du nouveau président(e)?

Ils seront nombreux. En vrac, je citerais les réformes de l’immigration et de la justice, qui me semblent indispensables, le conflit syrien, la lutte contre l’Etat Islamique (et le terrorisme en général), les relations avec la Russie, la cybersécurité, etc. Mais le plus grand défi dans l’immédiat sera déjà de parvenir à rassembler après une campagne électorale particulièrement violente. Je pense que pour qu’un(e) président(e) puisse agir et faire des réformes importantes, il faut qu’il/elle dispose d’un minimum de soutien. Or, Trump et Clinton sont tous les deux très impopulaires. Je suis donc très sceptique quant à leurs chances de réussite. Malheureusement, la présidence de l’un comme de l’autre ne risque pas d’apaiser les tensions qui traversent la société américaine.

 

 

Quel est ton pronostic pour le soir du 8 novembre ? Tu as prévu de le regarder quelque part ?

Je pense qu’Hillary Clinton va l’emporter, mais peut-être pas aussi largement que certains sondages ne le laissent penser. Et je pense qu’Evan McMullin va l’emporter en Utah. Oui, je tiens beaucoup à ce pronostic audacieux. Je n’ai rien prévu de particulier le 8 novembre. Je vais suivre attentivement cette nuit électorale depuis mon salon, sous un plaid et en mangeant des cookies 🙂 J’aurai un œil rivé sur CNN et l’autre sur Twitter. Je suis d’ailleurs très motivée à l’idée de live-tweeter l’événement. Cela s’annonce épique.

 

 

 

Quel est ton président américain préféré?

Abraham_Lincoln_November_1863Je dirais Abraham Lincoln pour son courage et tout ce qu’il représente historiquement. En ce qui concerne les présidents plus récents, ceux que j’ai mieux connus, j’ai de l’affection pour George W. Bush. Je sais que cette réponse risque de m’attirer des ennuis. Je ne vais donc pas m’enfoncer davantage. Next question.

 

 

Pourquoi penses-tu que les Américains aiment tant les dynasties (Clinton, Kennedy, Bush etc)?

La fascination pour le pouvoir et l’argent comme partout, non ?

 

 

Ton histoire avec les Etats-Unis : tu y es allée ? Y as-tu des projets ?

Non seulement j’y suis allée mais j’y ai même habité pendant quelques mois. Après la fin de mes études, j’ai bossé pour mettre de l’argent de côté et puis, je suis partie au pays de l’Oncle Sam pour un séjour linguistique de trois mois. Le but de ce séjour était double: perfectionner ma pratique de l’anglais, notamment à l’oral, et découvrir le pays où je rêvais de me rendre depuis si longtemps. J’avais choisi Denver comme lieu de résidence. En trois mois, j’ai eu le temps d’explorer la ville et pas mal d’autres endroits au Colorado. C’était juste fantastique ! Je suivais des cours d’anglais dans une école spécialisée qui accueillait des étudiants venus du monde entier. J’y ai côtoyé des Saoudiens, des Japonais, des Colombiens, des Brésiliens, des Mexicains, des Allemands, des Suisses… C’était très enrichissant. Je logeais chez l’habitant, dans un joli quartier résidentiel pas trop éloigné du centre-ville. La vraie American Way of Life. Et le week-end, je faisais des excursions avec les amis de l’école ou avec mes colocataires. Je suis allée au Rocky Mountain National Park, à Aspen, à Vail, à Boulder et dans plein d’autres endroits sympas. Je suis même allée sur la tombe de Buffalo Bill !

À la fin de mon séjour de trois mois à Denver, mes parents et mon frère sont venus me rejoindre et nous avons fait un road trip d’un mois dans le Sud-Ouest. Notre circuit passait par le Colorado, le Nouveau-Mexique, l’Arizona, le Nevada et l’Utah. On a vu tellement de choses fabuleuses que je ne peux pas toutes les citer. On a visité huit parcs nationaux (Great Sand Dunes, Mesa Verde, Grand Canyon, Arches, Bryce Canyon, Canyonlands, Capitol Reef et Zion). On est aussi allé à Monument Valley, à Antelope Canyon, au Lake Powell, à Las Vegas, sur un morceau de la route 66 en Arizona, à Santa Fe, etc. Un voyage F-A-B-U-L-E-U-X !

 

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Je suis retournée une deuxième fois aux Etats-Unis en juillet 2015, pour un road trip d’un mois, cette fois dans le Nord-Ouest. Au programme, cinq états (Washington, Oregon, Idaho, Wyoming et Montana) et cinq parcs nationaux (Olympic, Mount Rainier, Yellowstone, Grand Teton et Glacier). Et plein d’autres choses encore. Au fait, l’une des conclusions de ce voyage est que l’Idaho est un état sous-estimé. Je recommande aux Roadies de ne pas le zapper et de se rendre à Craters of the Moon. Un site à couper le souffle ! Bien sûr, j’ai hâte de retourner aux States dès que possible. Le but de ma vie est de mettre le pied dans chacun des cinquante états et de visiter au moins une fois tous les parcs nationaux. Y a du boulot ! Ma prochaine destination pourrait être la Californie. Mais j’ai aussi très envie d’aller dans le Sud, notamment au Texas et en Louisiane.

 

 

LE PING PONG DE ROADIE

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Républicains ou Démocrates ? Je préfère m’identifier comme indépendante mais j’avoue que je penche un peu plus du côté républicain. Du moins, du côté du Parti Républicain tel qu’il était avant que Donald Trump ne débarque. Je me sens plus proche des Républicains que des Démocrates en ce qui concerne la politique étrangère et l’économie. Mais je regrette profondément que le parti n’évolue que très lentement sur certaines questions de société. Je suis pour le mariage homosexuel par exemple.

Bill ou Hillary ? Je ne suis pas une grande fan des Clinton mais je dirais Bill, parce qu’il est plus sympathique et spontané.

Donald Trump ou Donald Duck ? Tout sauf Trump.

Burger géant ou sandwich vegan ? Burger géant, mais sans fromage (sorry, je suis allergique).

New York ou Washington ? Je ne suis malheureusement encore jamais allée à New York. Cela fait bien sûr partie de mes projets. En revanche, j’ai adoré Washington. J’y ai fait un stop de quatre jours sur la route de Denver. Pour une amatrice d’histoire et de politique comme moi, c’est le paradis 🙂 Je regrette d’ailleurs de ne pas y être restée plus longuement car je n’ai pas eu le temps de tout visiter.

Fox ou CNN ? #TeamCNN, sans hésitation.

Clint Eastwood ou Michael Moore ? Clint Eastwood. L’Amérique des cow-boys. L’Amérique vraie.

 

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Caricature de Une : DonkeyHotey, montage Lost In The USA

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