On était en Oregon pour la « Great American Eclipse »

Article rédigé le 16 septembre 2017 , mis à jour le 11 novembre 2023

« You’re here for the eclipse? » (« Vous êtes là pour l’éclipse ?  » ). Dès qu’on a mis le pied en Oregon, on n’a pas pu y couper. Tout le monde ne parlait que d’une chose : la « Great american eclipse », une éclipse totale de soleil traversant tout le pays et particulièrement spectaculaire en Oregon, qui n’en avait pas vu depuis 1979 (et n’en reverra pas d’ici un bon moment). Avec mesure comme toujours, les locaux nous annonçaient la couleur. « Ça allait être greaaaaaat, amaaaaazing, fantaaaastic, uuuuunique… » Bien sûr, les Américains ont le don de mettre cela en scène. On a vu des tonnes de lunettes spéciales, plein de festivals autour de l’éclipse, des donuts et des menus à sa gloire…

A la question posée plus haut, notre réponse a toujours été la même : « oui mais non », « non mais si ». En gros, on avait envie d’aller dans NorthWest cette année et on a fait en sorte que ça coïncide, c’était trop excitant. Bref, on pourra dire qu’on y était. Et que c’était un moment rare et vraiment magique (et aussi un peu amaaaazing). Voici notre petite histoire de cette grande éclipse, par ordre chronologique.

 

 

 

 

L’éclipse du siècle, le compte à rebours

 

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J-400 (juin 2016) : « Quoi, quoi, quoi, une éclipse ? »

On ne s’est plus trop comment le sujet est venu sur la table, sûrement avec plusieurs commentaires sur le site, coup sur coup. Le 21 août 2017, il allait y avoir l’éclipse du siècle aux Etats-Unis. Nous étions en roadtrip dans le vieux Sud et, en disant au revoir à nos amis texans (qui s’intéressent à la question), nous nous sommes mis à imaginer un projet autour d’un verre (sûrement une Shiner). « Et si on allait la voir ? » Au début, l’idée était de se rejoindre dans le Tennessee, et de profiter à l’occasion d’un petit périple musical… C’est ainsi que l’éclipse solaire est entrée dans nos vies, et restée dans un coin de notre tête. Let’s do this !

 

 

 

 

 

 

J-250 (hiver 2016-2017) : la ruée sur les hôtels

C’est l’hiver. Il fait moche, on en est à notre douzième raclette, le dernier roadtrip est à des miles derrière nous. Alors, on commence à se pencher sérieusement sur notre cuvée 2017 et à élaborer un projet de parcours. Ce sera le nord-ouest, et tiens, chouette, si on part en août on pourra aller voir l’éclipse.  Un oeil à son tracé (et au chemin dit « de totalité »), nous ciblons plusieurs villes.  Et  logiquement, nos premières recherches portent sur la nuit du 20 au 21 août. Et là, ô surprise (c’est ironique hein), toutes les chambres d’hôtel, les campings… tout est déjà booké ! (parfois depuis plusieurs années). Intrigant… Ça nous donne encore plus envie d’y être.

 

 

 

 

 

 

 

J-170. Mars 2017 : on potasse

C’est le moment de se pencher vraiment sur cette éclipse, qui commence à nous exciter, et on publie un article (qui fera un bon carton dans la semaine qui a précédé l’évènement d’ailleurs). Nous nous rendons vite compte que plein de Roadies ont l’intention d’y être (en plus d’une grosse partie de l’Amérique, qui adore ce genre de trucs historiques et rares). Aux Etats-Unis, c’est déjà la folie ! Il faut qu’on y soit.

 

 

 

 

 

 

 

J-150. Avril 2017 : Le coup de pot

Nous peaufinons notre parcours, en relançant les recherches pour passer la nuit du 21 août en Oregon, là où elle sera la plus visible (en totalité) selon la Nasa. Galère. En avril 2017, les hôtels lâchent les dernières chambres qu’ils avaient gardées au chaud, à des prix hallucinants. On passe même des coups de fil en pleine nuit (heure française) où l’on nous répond (dans un motel hyper mal noté sur les comparateurs et qui facture généralement la nuit à 50 dollars), qu’il faudra en compter… 600 ! Un rein, quoi. Nous commençons à réfléchir sérieusement à passer la nuit dans la voiture… Jusqu’au jour où, au salon du tourisme de Lyon, on rencontre J.P., un follower qui a déjà plusieurs dizaines de roadtrips à son actif et qui lui a prévu le coup de longue date et booké trois chambres ! Quelqu’un de prévoyant donc. Tout l’inverse de nous. Sympa, il nous en propose une (à Salem, pour une soixantaine de dollars)… « Oui pourquoi pas… » Intérieurement, on est comme ça :

 

 

 

 

 

Après avoir réfléchi (mais genre deux secondes…), on accepte (merci encore JP) et on arrive à faire modifier la réservation à notre nom (croisons les doigts pour que ça marche) après quelques manips avec Booking. Nous voilà donc heureux détenteurs d’une nuit à 60 dollars dans un petit motel de Salem, capitale de l’Oregon, particulièrement bien placée sur le chemin de l’éclipse. Cette nuit réglée, on tricote notre roadtrip 2017 autour de cette date.

 

 

 

 

J-23. Fin juillet 2017 : l’arrivée aux US

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Roadtrip, baby. On arrive sur le sol américain. Un peu surpris, car rien, dans l’état de Washington par lequel nous commençons, ne laisse entendre qu’il y aura bientôt l’éclipse du siècle… Où va-t-on trouver des lunettes de protection ?! Ça commence à nous inquiéter un peu (enfin, pas trop non plus).

 

 

 

 

J-13. Début août 2017 : la sauce commence à monter

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Voilà l’Oregon. Et là, ça y est, on ne nous parle plus que de ça ! Il y a des lunettes absolument partout : musées, grandes surfaces (par palettes entières), des enseignes qui en offrent (McDo, etc) pour 2 dollars ou moins. Nous achetons les premières que nous voyons, au centre de recherches et d’observation des baleines de Depoe Bay. A côté, on découvre les premiers produits dérivés : t-shirts armageddonesques, magnets « j’y étais ! », mugs pour le jour-J, autocollants…

 

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J-5. 16 août 2017 : passage à Madras, le point névralgique 

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On approche, du moment et de l’endroit. A Bend ou en traversant la petite ville de Madras (6000 habitants, 100 000 visiteurs attendus), on le sent bien : tout le monde ne nous parle que de ça. Il y a des tonneaux de lunettes de protection un peu partout, on voit des jardins ou des champs à louer pour une nuit, les restaus annoncent des menus spéciaux, il y a quelques panneaux, des annonces de festivals… Mais curieusement, à l’oeil nu dans les rues, « ça » ne se voit pas tant que ça. La météo annonce des conditions plutôt favorables. Tant mieux, car on a eu quelques craintes en raison des incendies de forêt récurrents qui ont créé une fumée (« smog ») permanente dans le ciel…

 

 

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Ah, et on se marre bien aussi en lisant les articles des journaux locaux (qu’on ne sait pas toujours s’il faut prendre au second degré ou réellement au pied de la lettre, option sur la 2e), comme ce dossier spécial « guide de survie » hilarant. Morceaux choisis. Ils conseillent en gros de prévoir une semaine entière pour observer l’éclipse, d’annuler ses rendez-vous chez le médecin, de ne rien prévoir jusqu’au 26 août, ils donnent une liste hallucinante des produits de première nécessité à avoir sous la main (dont un sac pour faire popo sur la route, on se croirait en temps de guerre) ou annoncent qu’il faudra 12 heures pour relier Salem à Seattle (au lieu de 4 ou 5) et qu’il y aura un black-out total des télécommunications. Pire : ils craignent une catastrophe, si tout le monde se retrouve bloqué sur les routes bordées d’herbes sèches. Avec la climatisation et le moteur, cela pourrait créer des incendies en série… Bref, ça va être l’APOCECLIPSE !!! (Delphine insiste pour préciser qu’il faut prononcer « A-po-qué-clipse »)

 

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J-2. 19 août 2017 : la rupture de stock

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Ca y est, tout le monde est en rupture de stock ! Plus de lunettes dans les supermarchés de Portland, plus chez ceux qui en offraient (McDo, Voodoo doughnuts…). Seul shot : des offres spéciales dans certains commerces (les cafés Dutch Bros par exemple). Restent les magazines et tutoriels en ligne qui t’expliquent comment en fabriquer à la maison (ça a l’air encore plus compliqué).

Nous, on est dégoûtés car on a capté sur le tard qu’il allait nous falloir aussi un filtre pour l’appareil photo. Nous entrons dans un magasin de photo.

  • Le vendeur : « Rupture de stock, désolé. » On comprend : « Bande de bâtards, fallait prévoir » suivi du rictus de plaisir du mec qui devait arracher les pattes des mouches quand il était gamin. 
  • Nous : « Mais on peut peut-être trouver un moyen de bricoler quelque chose ? »
  • Le vendeur : « Non, désolé ». On comprend : « Si je vous dis ça, mon business pour vendre des filtres à 150 bucks s’écroule »
  • Nous : « Ok, bye » Il comprend : « A jamais, asshole »

 

 

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Plus prévoyants pour le reste, nous avons pensé à nous ravitailler cette nuit chez Fred Meyers, histoire de ne pas chercher désespérément à manger, à boire ou de l’essence une fois à Salem. Car depuis plusieurs semaines maintenant, tout le monde nous fait peur. Les state parks publient des conseils un peu flippants, les gens du coin se marrent (« Ahahaha mais vous allez être bloqués, vous ne la verrez jamais ! », d’une vieille folle), et les journaux et magazines en rajoutent. Tout cela nous rend de plus en plus curieux. En tout cas, on n’a pas tout le matos, mais on a des t-shirts ! #lifegoals

 

 

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J-1. Dimanche 20 août 2017 : en route pour Salem

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Vue « l’apocéclipse » qu’ils nous annoncent depuis plusieurs jours, on se demande un peu à quoi va ressembler la journée (devant notre donut spécial éclipse, à l’orange, de chez Voodoo)… Salem n’est qu’à une heure de route de Portland en temps normal. Mais là ? Tant pis, on tente notre chance et on décide de prendre quand même encore un peu de temps à Portland. On y voit d’ailleurs quelques vendeurs à la sauvette céder les désormais quasi introuvables lunettes-éclipse. A 15 heures, on prend la route en direction de Salem.

 

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Avec surprise, on ne va rencontrer aucun problème particulier. Un peu de monde sur la route peut-être, mais pas le moindre embouteillage. Est-ce que le travail de sape des médias en mode « Je vous préviens, ça va être l’enfer » aurait marché ? Pire, arrivés à Salem, il n’y a pas la moindre réclame, ni quoi que ce soit.

 

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On file à l’hôtel prendre nos clés. Il est là, le plus gros embouteillage du jour. Par curiosité, on regarde s’il reste des chambres à Salem. Oui, quelques-unes entre 400 et 800 euros. Une fois les clés en poche, les affaires montées (et oui, n’oublions pas que nous avons un avion pour Hawaï le lendemain de l’éclipse), on va faire un tour en ville et manger dans une brasserie. Là non plus, rien de spécial, même pas le désormais traditionnel « Vous venez pour l’éclipse ? » Juste un mec d’ici qui se marrait à la réception (genre, « elle va arriver et deux minutes après ce sera fini ») et la serveuse qui nous dit qu’elle a 15 potes qui ont débarqué chez elle mais qu’elle se demande quand la folie va commencer…

 

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Dans le centre-ville, c’est pareil : ça grouille un peu mais sans plus. On regarde sur les réseaux sociaux et les sites internet : il y a plusieurs soirées et festivals dans le coin, mais la plupart sont assez chers et complets de longue date. On fait quand même le tour du waterfront, dont le parc abrite une grosse soirée mexicaine jalousement cachée derrière des palissades. Autour, les éclipseurs ont planté leurs tentes et accroché leurs hamacs dans les arbres, pour attendre l’événement.

 

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Rentrés à l’hôtel, on se « prépare » dans un calme absolu. Nous allons voir au dernier moment comment faire. Déjà, nous n’avons pas de matos pour l’appareil photo et on ne veut pas tenter le diable… Donc, soit on ne fera que des photos d’ambiance (beaucoup de gens feront les photos astrales bien mieux que nous), soit on collera un verre de lunettes spécial éclipse sur l’objectif de notre appareil compact. Soyons honnêtes, on s’y est pris tôt mais mal…

Mais où va-t-on aller ? Le secteur n’est pas vallonné. Faut-il rester au motel, dans un quartier assez déprimant de bord d’autoroute, ou se rapprocher du capitole et du centre-ville ? Le rassemblement le plus proche de nous se trouve aux fairgrounds (champ de foire), mais c’est sold out… On verra demain suivant la circulation. Réveil à 7 heures… (il est 2 h du matin). Inquiets, nous mettons au moins 32 réveils sur notre téléphone.

 

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Jour J. Lundi 21 août 2017 : la Great American Eclipse

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Eclipse day ! A 7 heures, dans notre motel, il y a déjà pas mal de gens sur le pont : des familles et des asiatiques, suréquipés, sont déjà installés sur les balcons et le parking. Nous on se tâte : rester ici ? Bof. Aller au centre, dans le parc du capitole, avec plein de gens ? Bien mieux mais pourra-t-on y accéder ?!

 

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On se lance et ô miracle, les rues sont absolument vides. Nous sommes garés à 500 mètres du capitole. La ville paraît toute calme, malgré l’événement. Face au monument, il y a foule. Les équipes de TV sont là. Tout le monde a ses lunettes, du gros matos ou au contraire du bricolé. Nos beaux t-shirts sur le dos, nous prenons place sur la pelouse. Comme d’habitude, on est « taquets-à l’ouest ». On se prépare depuis des semaines, on a acheté nos lunettes il y a plus de 15 jours mais on n’a aucune protection pour notre matos photo. Du coup, nous avons pris notre réflex, notre téléphone portable et posé notre compact sur le trépied, lui cédant l’une de nos paires de lunettes certifiées par la Nasa. On n’est pas les seuls à avoir réfléchi ainsi.

 

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Tranquillement, dans une chouette ambiance, on regarde la lune grignoter peu à peu le soleil (début à 9h05). On nous avait annoncé un blackout total mais on capte bien internet, ce qui nous permet de rester en contact avec nos followers chéris, qui suivent en direct sur le site de la Nasa ou dans d’autres coins des Etats-Unis.

 

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A 10h17, tonnerre d’applaudissements : ça y est, la lune recouvre le soleil en totalité. Mais c’est quelques secondes plus tard que le spectacle arrive : il se met à faire frais, on sent les appareils photo galérer et voilà : c’est la nuit en plein jour, enfin un curieux entre-deux, avec une lumière incroyable, presque extraterrestre, qui crée de drôles de reflets et d’ombres sur le sol. Deux minutes de bonheur.

 

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La TV s’active. Le rassemblement en lui-même est tout simple : un speaker dit quelques mots dans les haut-parleurs, il y a un mini-stand de boissons et deux vendeurs de lunettes. Des gens de toutes origines et des quatre coins du globe se rassemblent pour un peu moins de deux minutes d’histoire. Et nous, on est là, au milieu. Avec tout ce qu’on a lu, vu, on n’était finalement pas préparés à vivre un moment aussi magique, et si simple. Le soleil revient, et le mouvement inverse s’entame. Entre-temps, l’anneau (de « diamant ») a été magnifique, et on a pu le voir à l’oeil nu pendant ce moment de « totality ».

 

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Voici notre petite vidéo puis celle de Veritasium, depuis Madras, l’un des spots les plus prisés pour cette éclipse.

 

 

 

 

On se regarde : « Tu veux rester? » « Ben non, je préfère finir sur ce moment. » Ça tombe bien car, toujours alarmistes, les prévisionnistes ont annoncé entre 8 et 12 h de route entre ce secteur et Seattle (au lieu de la moitié). On grimpe dans la voiture et c’est parti. Dès la sortie de Salem, on est loin d’être seuls. C’est parti pour des bouchons géants, sur 4 voies, de l’arrêt à 20 km/h. On met plus de 3 heures pour arriver à Portland, où on s’arrête manger un petit bout. C’est pire après. Du coup, on décide de quitter l’Interstate 5 pour les routes de campagne, un peu plus calmes. On dit au revoir à l’Oregon pour retrouver l’état de Washington. On n’arrivera à Seattle qu’à 21h30, plus de 10 heures après notre départ. JP est cuit d’avoir trop conduit. Encore sur un petit nuage, nous pourrons dire : la « Great american eclipse », on y était !

 

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J+1. Mardi 22 août 2017 : rendez-vous en 2045

Le lendemain, tous les journaux du pays ont fait leur une avec la photo de l’impressionnant rond noir cerclé de lumière. Les images ont fait le tour du monde.

 

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Nous sommes prêts pour la prochaine. On a le temps :  pas avant le 12 août 2045 pour la prochaine du genre sur le sol américain (qui traversera entièrement le territoire). Il y en aura quand même une en octobre 2023 (le 14), dans une poignée d’états, et aussi une le 8 avril 2024 (totalité à Dallas, Austin, Cleveland et Buffalo…). On sera prêts… ou pas.

 

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Et vous, vous y étiez ? Racontez-le nous !

 

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